Noyée dans la circulation, la Talbot-Sunbeam-Lotus ne se distingue guère du magma roulant qui l'entoure! Malgré sa livrée spécifique noire," Onyx ", parée d'une large balafre argentée et malgré son petit écusson Lotus trop discret sur les ailes avant, personne ne remarque cette auto d'apparence " normale ". C'est tout juste si on ne la prend pas pour une... Horizon! Seulement, voilà, quand le feu passe au vert et que rugit le quatre cylindres seize soupapes, on se rend bien compte qu'il se passe quelque chose de pas ordinaire. Ce que ne sait pas le vulgum pecus, c'est que cette Sunbeam-Talbot n'est autre que la version de base d'une Championne du Monde! Sous cette banale carrosserie, la petite berline cache bien son jeu...

Des O'Dell, !homme par qui tout arriva

En 1977, Sunbeam fait encore partie de la division Europe de Chrysler et produit une petite berline très proche de la Simca Horizon, qui bénéficie, contrairement à sa cousine française, des roues arrière motrices. Desmond O'Dell, un jovial Irlandais qui a fait ses premières armes chez Aston Martin et chez John Wyer, a la charge de dynamiser la marque à travers la compétition. Jusque là, il s'en est plutôt bien tiré en réussissant à remporter trois titres en "Touring Cars " (Groupe 1) avec les Chrysler Avenger. Mais ces dernières ont vieilli et l'arrivée de la Sunbeam lui donne une idée: pourquoi ne pas " emprunter" le beau moteur double arbre seize soupapes, dont disposent ses amis de chez Lotus, pour le monter dans la nouvelle petite berline ?

Des O'Dell va donc voir Colin Chapman et lui demande, à titre personnel, un moteur: " Si ça marche, il m'en faudra 399 autres pour l'homologation " !

Lotus met à sa disposition un quatre cylindres deux litres seize soupapes (type 907) qui équipe les Elite et les Esprit. " ils m'ont préparé un moteur pour une poignée de cerises. J'ai mis le moteur dans mon coffre et je suis rentré. Trois semaines plus tard, le premier prototype existait ".

Dans un premier temps, il conserve une base d'Avenger qu'il modifie: le moteur Lotus, bien sûr, remplace celui d'origine, alors qu'il troque la boîte de série contre une ZF bien plus robuste. Il adapte les suspensions en montant des ressorts et des amortisseurs spéciaux et installe de gros freins. "Tout cela pour pas cher grâce à mes amis dispersés un peu partout. Les coups de mains marchent à plein dans ces cas-là "

La première Avenger - Lotus-O'Dell, peinte en rouge, laisse entrevoir de belles possibilités dès ses premiers tours de roues. " Je me suis mis au volant sur des petites routes de la région et j'étais sidéré moi-même: c'était au-delà de mes espérances. La voiture était une véritable petite bombe qui accélérait de 0 à 100 en 6,8 secondes"... Conforté dans son choix, Des O'Dell va présenter son enfant aux responsables de Chrysler-Angleterre. " ils m'ont pris pour un illuminé jusqu'à ce quels acceptent de monter avec moi. Là, je leur ai fermé le bec Il y en a même qui, en sortant, voulaient préparer les chaînes pour sortir une Groupe 1 "! Rappelons qu'à l'époque, l'homologation dans ce groupe imposait quand même la fabrication de 5000 exemplaires...

Le projet est donc retenu avec enthousiasme et une version Sunbeam du prototype Avenger est mise en chantier pour la définition du modèle de série. L'aventure n'en est qu'à ses débuts.

Née Chrysier-Simca-Sunbeam-Lotus, la voiture est devenue Talbot-Sunbeam-Lotus à partir du 10 juillet 1979: tous les sigles et logos ont dû être changés !

Les premiers combats

Naturellement, il est prévu de construire la Sunbeam-Lotus en série. C'est indispensable pour deux raisons: d'une part, les participations en rallyes nécessitent l'homologation en Groupe 4 (400 exemplaires) ou, dans le meilleur des cas, en Groupe 2 (1 000 unités). D'autre part, il est hors de question de financer totalement l'opération : le coût doit être réparti sur des voitures commercialisées. Toute une structure doit être mise en place pour la série. Si les ateliers de Des O'Dell, qui trouvent abri dans des anciens bâtiments ayant servi à Humber puis à Rootes, se chargent essentiellement du développement et de la préparation des voitures de course, Sunbeam se chargera de construire les coques. Lotus enverra des moteurs à Des O'Dell pour la compétition mais aménagera un hall de montage à Ludham, sur une base de chasse désaffectée de la RAF située à 30 km d'Hethel, pour la chaîne des versions commercialisées. Pour Lotus, ce contrat représente une véritable bouffée d'oxygène, un peu comme celui des Cortina Lotus avec Ford: le marché américain étant au plus bas, les Sunbeam-Lotus peuvent apporter des rentrées inespérées

En attendant, Des O'Dell se pose des questions quant à l'utilisation du moteur deux litres: ne risque-t-il pas de manquer de couple ? Il s'en ouvre aux techniciens de Lotus qui, pleins de bonne volonté, acceptent d'augmenter la course de 69,2 à 76,2 mm pour obtenir, avec l'alésage de 95,2 mm, une cylindrée de 2172 cm3. Ce tour de passe-passe permet au quatre cylindres (type 911) de développer 150 chevaux à 5750 t/mn pour la série et de friser les 240 chevaux pour la course. Les motoristes, craignant que cette augmentation du volume interne engendre des vibrations, refusent pourtant l'utilisation d'un arbre supplémentaire d'équilibrage: le surplus de poids est contraire à la philosophie Lotus! L'expérience de Rolls-Royce en la matière conseille de monter un volant moteur à moyeu flexible: le problème est résolu. La cause est entendue: la Sunbeam-Lotus sera équipée du moteur quatre cylindres seize soupapes de 2172 cm3. Ce groupe, pour entrer sous le capot de la petite berline, devra être incliné de 451, sur la gauche. La version de série utilisera un carter humide, le modèle course aura droit à une lubrification par carter sec.

Il faudra attendre la commercialisation encore un bon moment puisque cette dernière n'apparaîtra en France qu'à la fin 1979. Construite par Lotus qui référence sa production par des numéros de types, la Sunbeam figure au catalogue sous le Type 81, comme la Formule 1 Mais nous anticipons: pour l'instant, pendant cet hiver 1977/78, la première vraie voiture est en cours de fabrication. Le prototype, une version de course bien entendu, est achevé au début de l'année 1978. Il subit son baptême du feu en mars lors d'une épreuve au pays de Galles, le Granite City, avec Andrew Cowan à son volant. Pas de chance, ce dernier sort de la route... La seconde participation du proto a lieu en France en juillet, au Rallye des 1000 Pistes ouvert aux voitures expérimentales. Cette fois, c'est Tony Pond qui tient le manche. Il ne peut venir a bout d'un diabolique Jean-Luc Thérier sur sa Toyota Celica mais offre néanmoins le premier classement à la nouvelle auto en achevant l'épreuve sur une très encourageante seconde place. Il ne reste plus, maintenant, qu'à produire les 400 exemplaires qui permettront l'homologation en Groupe 4 pour, enfin, aller " jouer dans la cour des grands..."

De Chrysler à Talbot

La chaîne de montage Lotus pour la petite berline musclée se met doucement en branle. Les exemplaires sortent presque au compte-gouttes mais le chiffre fatidique est finalement atteint: la Sunbeam Lotus reçoit son agrément en Groupe 4 le 1er avril 1979 ou le 31 mars au soir, juste à temps pour participer au Circuit d'Irlande qui débute le 13 avril. Tony Pond arrive à devancer les redoutables Ford Escort à moteur 16 soupapes BDA et les Vauxhall Chevette mais, alors qu'il tient le commandement, doit renoncer pour une rupture de suspension.

L'atelier course de Des O'Dell se développe et prend de l'ampleur: du personnel est embauché alors que Jean-Pierre Nicolas (vainqueur du Monte-Carlo 1978 sur une Porsche de location!) et Jean Todt viennent renforcer l'équipe. Un département français est également créé à Boulogne - n'oublions pas que Chrysler Europe appartient à PSA - et placé sous la responsabilité de Bernard Fiorentino, l'un de ceux qui firent la gloire des Simca CG.


Construite chez Lotus avec des coques fournies par Sunbeam, la petite Anglaise fut produite en 2298 exemplaire's, tous livres en noir " Onyx " à parements arqentés.- Exceptés son moteur et sa boite, la-Sunbeam Lotus reste une voiture extrêmement rustique. Le train avant utilise une suspension à Mc Pherson alors que l'arrière se contente d'un essieu rigide.

 

Les participations se multiplient. Jean-Pierre Nicolas abandonne au Welsh Rally à la mi-mai. Les 7 et 8 juillet, on espère pouvoir faire mieux que l'an passé aux Mille Pistes. Pas d'amélioration, cependant, car Pond réitère sa seconde Rlace alors que Nicolas termine cinquième. Deux jours après l'arrivée de l'épreuve française, le mardi 10 juillet 1979 à 10 heures, une nouvelle tombe comme une bombe: le groupe PSA vient de trouver une identité à ses marques satellites. Le nouveau nom, Talbot, est choisi après de nombreuses études de marketing car assimilable aussi bien par les Anglais que par les Français. Le communiqué suivant fait la une de toute la presse: " Les modèles Chrysier-Simca prennent le nom de Talbot-Simca; les modèles MatraSimca prennent le nom de Talbot-Matra. Les usines en France, au Ro.yaume-Uni et en Espagne produiront donc désormais des voitures Talbot, rien n'étant changé dans le domaine des camions. Les 7000 points de vente Chrysler en Europe deviennent des points de vente Talbot -. La conséquence sera une immense valse d'enseignes sur les frontons des garages et concessionnaires, en même temps que l'adaptation du nouveau logo sur toutes les voitures. La Sunbeam Lotus est rebaptisée Talbot Sunbeam Lotus... Pour Des O'Dell, l'affaire tourne plutôt bien car, pour affirmer le nouveau nom, un important budget sera débloqué pour la compétition.

Championne du Monde !

Cette fois, on s'attaque au Championnat du Monde avec le San Remo, début octobre 1979, comme première participation. Deux voitures prennent le départ: l'une pour Pond, l'autre pour Nicolas. Le Français doit renoncer au bout de 25 spéciales mais l'Anglais touche le but et termine quatrième après s'être montré deux fois le plus rapide. Pour un coup d'essai dans le mondial, Des O'Dell peut s'estimer satisfait!

Pour l'épreuve suivante, le Tour de Corse au début du mois de novembre, seule la voiture de Nicolas-Todt est engagée. Jean-Pierre enlève quatre spéciales mais doit se retirer après une rencontre brutale avec un... sanglier!

La course à la réussite est lancée: les rallyes se multiplient alors que de nombreux pilotes privés ont adopté la berline britannique pour disputer championnat d'Europe et nationaux. L'un des plus assidus n'est autre que le Belge Jean-Marie Jacquemin qui restera très, très longtemps fidèle à cette auto et qui, de plus, fournira les pièces détachées spéciales aux clients sportifs. Des O'Dell poursuit l'évolution de la voiture: le moteur de 220 chevaux laisse la place à la dernière mouture de 250 chevaux grâce à de plus grosses soupapes. Côté pilotes, les choses évoluent également puisque Guy Fréquelin et Henri Toivonen se retrouvent dans les baquets de Jean-Pierre Nicolas et de Tony Pond.

La version de série se vend bien, à un tel point que les 1 000 exemplaires sont atteints et permettent l'homologation en Groupe 2 pour la saison 1980.

Au début du mois de février 1980, on célèbre la première victoire de la Talbot Sunbeam Lotus, acquise en Championnat d'Europe, à l'Arctic Rally, grâce à Henri Toivonen. Le succès est complété de la seconde place enlevée par Pitkanen L'équipe de O'Dell devient fidèle des épreuves de Championnat du Monde et participe à six rallyes durant cette saison. Le meilleur résultat est obtenu dans la dernière manche, au RAC en novembre, où les Talbot Sunbeam Lotus réussissent un joli tir groupé avec la victoire de Toivonen et les troisième et quatrième places de Fréquelin et Russel Brooks. Du coup, la marque se retrouve sixième au classement final!

En 1981, les efforts finissent par aboutir, en partie grâce à une régularité exemplaire: seconds au Monte-Carlo (Fréquelin), au Portugal (Toivonen), en Corse (Fréquelin), au Brésil (Fréquelin) et au San Remo (Toivonen), troisième au RAC (Blomqvist), quatrième à l'Acropole (Fréquelin) et, surtout, premier au Codasur (Fréquelin). A la fin de l'année, les comptes donnent le titre de Champion du Monde des Constructeurs à Talbot et Fréquelin est déclaré vice-Champion du Monde des Pilotes derrière Vatanen! Et l'on ne parle pas des victoires obtenues dans les autres championnats où se distinguent les Ormezzano, Fischer (Champion d'Autriche), Zanini, Russel Brooks, Vaucard, Bouquet...

Cette année, pourtant, verra l'abandon de la production : Lotus stoppera les chaînes après avoir produit 2298 exemplaires de la berline Type 81. Chez Talbot, qui abandonnera bientôt cette raison sociale, on pense déjà au futur Groupe " B ", et l'on planche sur la prochaine auto: ce sera, on le murmure, une voiture à moteur centrale développant près de 300 chevaux... On sait ce qui en adviendra!

Un moteur, d'abord

Bien que la Talbot Sunbeam Lotus soit, avant tout, une voiture de course, nous avons choisi de présenter la version de série, la base qui a servi de " prétexte" aux Groupes 4 et 2. Dans cette configuration, l'auto conserve une apparence discrète (même banale) et une conception réellement rustique. Le morceau de choix est, bien sûr, le superbe moteur. Le quatre cylindres de 2172 CM3, tout en alliage léger, provient, nous l'avons vu, du deux litres des " Eclat " et " Esprit ". Ce moteur super-carré (alésage de 95,2 mm pour une course de 76,2 mm) est capable de tourner à de très hauts régimes (plus de 9000 t/mn) pour la compétition. Tout, dans cette mécanique, se situe à un haut degré de technologie. Les deux arbres à cames en tête, entraînés par courroie crantée, commandent quatre soupapes par cylindre. L'alimentation est confiée à deux carburateurs double corps horizontaux Dell'Orto de 45, gavés par une pompe électrique. La combustion est provoquée par un allumage transistorisé Lucas sans rupteur alors que le collecteur d'échappement en tubes, du plus beau style " course ", se présente sous la forme de tubes en " 4 dans 2 dans 1 " avec silencieux à double sortie. Positionné en long à l'avant, incliné sous un angle de 450, le moteur développe 150 chevaux à 5600 t/mn et un couple de 20,7 m.kg à 4800 t/mn. Le régime maximum atteint 6750t/mn...

Pour transmettre la puissance, le choix a été fixé sur l'excellente boîte de vitesses ZF à cinq rapports. Jusque là, nous sommes restés dans une technologie élaborée. Malheureusement, les choses changent dès que l'on aborde les trains roulants qui, eux, dérivent directement de la Sunbeam TI de base. L'arrière se trouve pénalisé par l'utilisation d'un simple essieu rigide (qui n'a pourtant pas empêché la voiture d'obtenir son titre, à l'image de la Ford Escort…) ne disposant pas, même sur demande; d'un différentiel à glissement limité. Par chance, on trouve des ressorts hélicoïdaux et le guidage est confié à deux bras longitudinaux. A l'avant, on fait confiance à la solution éprouvée des roues indépendantes par jambes Mc Pherson renforcées par des tirants de chasse complétés d'une barre anti-roulis d'un diamètre de 22 mm. La direction est à crémaillère alors que les freins, à double-circuit séparés et assistés, utilisent des disques à l'avant et d'antiques tambours à l'arrière.

Comme la Sunbeam TI, la Lotus est équipée de jantes de 13 pouces de diamètre en alliage, mais cette fois en 6" de large.

Sur la balance, la berline anglaise n'accuse que 960 kg, permettant un rapport poids/puissance de 6,4 kg/ch extrêmement favorable.

En revanche, les Anglais n'ont pas favorisé l'autonomie en équipant la Talbot Sunbeam Lotus d'un microscopique réservoir de carburant d'une contenance ridicule de 41 litres. Les consommations normalisées n'autorisent déjà pas plus de 200 km mais, dans la pratique, cela se traduit par un arrêt à la pompe tous les 150 km... Entre Paris et Lyon, il faut ravitailler trois fois!

Chez Sunbeam, on semble être adepte des couleurs uniques: la petite sœur TI est rouge, la version Lotus ne peut qu'être noir "Onyx" a ' parements argentés. Si l'extérieur fait dans la discrétion, l'intérieur frise l'austérité. Excepté les sièges, tout est uniformément noir.

L'instrumentation est assez complète mais son traitement frôle le laisser-aller: il y a bien un manomètre d'huile, un thermomètre d'eau, une jauge de carburant et un ampèremètre, mais ceux-ci ne comportent aucune graduation. Heureusement, le compte-tours, avec sa zone rouge fixée sur 6750, et le compteur de vitesse gradué jusqu'à 240 km/h sont plus évocateurs de sport.

Y a d'la vie!

Dès que l'on tourne la clef de contact, dès que l'on enfonce la pédale de droite, on ne regrette plus-les 60 000 Francs (en 1980) investis dans la voiture. Le ronronnement du double arbre seize soupapes et l'aspiration des gros Dell'Orto résonnent fort dans les tympans. Les premiers kilomètres sont consacrés aux mises en température. Dé ' jà, la suspension, très durcie par rapport à celle de la Sunbeam TI, transmet avec sécheresse le moindre gravier posé sur la route. Quand les aiguilles des " manos " ont pris une position estimée convenable, on peut enfoncer fermement l'accélérateur. Les 150 chevaux partent tous en chœur et la banale berline se transforme en dragster. Bondissant d'une bosse à l'autre, la Sunbeam Lotus grimpe à l'assaut des vitesses interdites. Parfaitement étagée, la boîte seconde la mécanique à merveille: première à 60 km/h, seconde à 100, troisième à 138, quatrième à 190 et maxi, en cinquième, vers 205 km/h ! Les accélérations sont encore plus frappantes: 400 m départ arrêté en 15"4 et le kilomètre est abattu en 28,5 secondes 1 Si le revêtement présente une surface lisse, tout va bien. Mais sur une route dégradée, les roues motrices " cirent " en rebondissant de crête en crête... Déjà, la motricité ne se montre pas particulièrement mordante! En courbe, une fois passé le stade naturel du sous-virage, on espère bien provoquer une jolie dérive du train arrière'. Malheureusement, sans autobloquant, les roues motrices ont bien du mal à assurer simultanément les fonctions de guidage latéral et de propulsion: les appuis se traduisent par un délestage de la roue intérieure qui transforme la puissance en fumée alors que le côté écrasé se freine lamentablement. Naturellement, les versions course, qui bénéficient d'un pont Salisbury équipé d'un autobloquant à 80 %, ne connaissent pas les mêmes difficultés! En revanche, lorsque l'adhérence devient précaire, la Sunbeam Lotus, si elle ne retrouve pas pour autant plus de mordant, devient franchement amusante. Il est possible, dans ce cas, de balancer l'auto à l'entrée du virage et de maintenir la dérive jusqu'à la sortie. L'efficacité n'est pas au rendez-vous, c'est certain, mais le pilote a de quoi se faire plaisir! De plus, la direction un peu trop démultipliée (3,75 tours de butée à butée) met les bras du conducteur à l'ouvrage.

Dans les enchaînements, toujours lorsque l'adhérence est faible, on peut utiliser les déhanchements de l'arrière pour placer la voiture: du coup, les roues directrices restent en permanence braquées en sens inverse de la courbe et la Sunbeam Lotus entame un joli ballet digne des plus beaux passages sur un Turini enneigé. Côté freinage, rien à redire: les tambours arrière se font oublier et la décélération conserve sa puissance sans transformer la pédale en éponge molle et sans consistance.
Bref, on est peut-être bien secoué, mais on s'amuse au volant de cette berline musclée. Et si l'on fatigue, les trêves de repos sont fréquentes car imposées par les nombreux ravitaillements!

Les collectionneurs ne se jettent pas encore sur ce modèle. Ils ont tort: la Talbot Sunbeam Lotus a marqué le monde du rallye, son palmarès l'atteste. La plupart des voitures sorties ont couru, beaucoup ont été détruites et il n'en reste pas autant qu'on pourrait le croire. Pour l'instant, on ne parle pas encore de cote " collection " pour ce modèle. Cela ne va pas tarder: attention à l'envolée des prix! Heureusement, la Sunbeam Lotus, qui ne fait pas dans le clinquant, ne risque pas d'attirer les collectionneurs d'opérette mais s'adresse, au contraire, aux amateurs éclairés. Ces derniers ne seront pas déçus: la Talbot Sunbeam Lotus distribue des sensations... Et elle n'en est pas avare!

Article de Pierre Gary, photos de Christian Bedei dans AUTOPASSION juillet 1990 n°37

 

LA SUMBEAM LOTUS DE COURSE

R.A.C. 1980: Henri Toivonen, associé à Paul White, offre à la Talbot Sunbeam Lotus ses premiers lauriers en Championnat du Monde.

La version compétition, mis à pan l'architecture n'a pas grand'chose à voir avec la Sunbeam Lotus de série. D'abord homologuée n Groupe 4, la voiture fut ensuite admise en groupe 2. Par la suite, elle fut adaptée aux ormes du nouveau Groupe B mais ne courut ans cette dernière configuration qu'aux mains de pilotes privés. La version la plus élaborée est, sans nul doute, la Groupe 2 de 1981 celle qui valut le titre mondial à Talbot.

La coque, issue de la série, a subi de nombreux renforts et les points de soudure sont complétés par des cordons. Les points d'ancrage divers (suspensions, moteur, boîte ) ont été particulièrement soignés et un arceau-cage améliore encore la rigidité. Les suspensions conservent les principes de base mais les Mc Pherson, à l'avant, reçoivent des articulations par rotules Uniball et des réglages spécifiques. A l'arrière, l'essieu rigide d'origine est remplacé par un Salisbury capable d'encaisser un couple de 40 m.kg et doté de l'indispensable autobloquant. Trois couples (permettant des vitesses maxi de 160 à 180 km/h) sont disponibles en fonction des terrains. En outre, une barre de torsion réglable est montée pour limiter le roulis. Des amortisseurs Bilstein à gaz remplacent les éléments de série. Un gros travail a été également réalisé sur les freins, désormais équipés de disques ventilés et d'étriers à quatre pistons à l'avant et de disques pleins à étriers à deux pistons sur le train moteur. Le quatre cylindres conserve sa cylindrée d'origine mais il est sérieusement préparé. Le rapport volumétrique passe de 9,4 : 1 à 11 : 1 alors que l'alimentation, plus généreuse, est confiée à des Dell'Ono de 48 au lieu de 45. La lubrification se fait par carter sec. Ainsi amélioré, le moteur atteint 250 chevaux à 7250 tours avec un régime maxi fixé à 9200 t/mn. Le couple, lui aussi, grimpe allégrement et dépasse les 25 m.kg à 6000 t/mn,

La boîte ZF possède des rapports rapprochés et les roues, toujours en 1 3 pouces de diamètre, sont des Minilite dont la largeur varie entre 7 et 10 pouces. La direction est équipée d'une crémaillère plus directe permettant 2,75 tours de volant de butée à butée. Pour améliorer la motricité en chargeant l'essieu arrière, la batterie passe dans le coffre, à côté du gros réservoir d'essence (90L) et de la bâche à huile moteur.

Du coup, la Sunbeam Lotus se transforme en boulet de canon capable de passer de 0 à 1 00 km/ h en moins de six secondes alors que les 160 km/h sont atteints en 16,5 secondes!